Vos reines peuvent théoriquement durer jusqu’à 5 ans.
Mais au fil des années, la spermathèque (la réserve de spermatozoides) de vos reines peut s’épuiser, et la colonie peut devenir moins dynamique avec une ponte de la reine plus faible.
On estime que la spermathèque d’une bonne reine peut contenir 4 à 5 millions de spermatozoides.
Une reine utilise environ 2 millions de spermatozoides à chaque saison.
Par conséquent, un reine dont la spermathèque contient seulement 3 millions de spermatozoides peut être renouvelée naturellement tous les ans par la colonie.
Pour éviter cela, une technique connue des éleveurs est appelée la fécondation dirigée.
Elle est très bien décrite dans un livre de Gilles Fert qui s’appelle « L’élevage des reines ».
Elle permet deux bénéfices majeurs:
1. Avoir davantage de mâles pour féconder ses reines donc des spermathèques plus remplies.
In fine, les reines élevées se feront plus vieilles et les colonies seront plus dynamiques.
C’est ce que mon père a pu constater dans son rucher de fécondation.
2. Contrôler sa génétique.
Car vous contrôlerez quelles colonies donneront les mâles qui féconderont vos reines.
La fécondation dirigée consiste à élever dès le mois de mars des mâles dans ses plus belles colonies pour saturer son rucher de fécondation avec sa propre race d’abeilles.
Ces ruches pourvoyeuses de mâles sont appelées des banques à mâle.
La fécondation reste tout de même aléatoire et pas contrôlée à 100%.
Mais même si le rucher n’est pas saturé à 100% avec ces mâles, des résultats intéressants peuvent être atteints.
Des apiculteurs texans ont obtenu 83 à 93% de réussite dans le contrôle de l’accouplement en utilisant les techniques de saturation par les mâles sélectionnés.
Un rappel sur la fécondation des reines s’impose…
Une reine met 16 jours à éclore depuis l’oeuf.
Puis, après le 4ème jour après sa naissance, la reine vierge effectue quelques vols d’orientation.
Entre le 6ème et le 8ème jour, elle peut se rendre plusieurs fois dans différents lieux de rassemblement de mâles ou elle sera fécondée par 15 à 20 mâles en moyenne.
Les mâles quant à eux, mettent 24 jours à naitre depuis l’oeuf.
Puis ils mettent 15 jours, dans le meilleur des cas, à devenir mâtures sexuellement.
A ce moment là, ils peuvent parcourir 10 à 15km pour se rendre à de grands rassemblements que l’on appelle des congrégations.
Ces lieux de rassemblements peuvent regrouper jusqu’à 15000 mâles issus de 240 ruches.
Dès qu’une reine se rend sur un lieu de 30 à 500m, les mâles se précipitent sur elle pour la féconder.
Une fécondation de reines en plein vol.
Comment reconnaitre un couvain mâle d’un couvain d’ouvrières
Le couvain mâle et le couvain d’ouvrières sont très différents géométriquement.
Le couvain mâle est plus gros, irrégulier et bombé, alors que le couvain d’ouvrières est plus lisse et plus régulier.
En plus, il faut 21 jours pour donner une ouvrière et 24 jours pour donner un mâle.
Au printemps, les colonies élèvent naturellement des mâles en consacrant une partie des cadres à l’élevage des mâles.
On estime qu’elles contiennent environ 2000 mâles chacune, même si en réalité, une colonie entretient généralement entre 1000 et 1500 mâles.
Ici la différence entre couvain mâle (au dessus) et couvain d’ouvrières (en dessous) est bien visible. Le couvain mâle est plus gros, a des opercules bombées, alors que le couvain d’ouvrières est plus petit, plat et régulier.
Comment mettre en place une banque à mâle
Mettre en place une banque à mâle est facile.
Il suffit de disposer un cadre à mâle dans une ruche que vous aurez sélectionné pour sa vigueur au mois de mars.
Un cadre à mâle est, à la base un simple cadre en bois dépourvu de cire.
Puis, en quelques jours, les abeilles cirières bâtissent des cellules de couvain mâles sur tout le cadre.
Ensuite, il suffira d’attendre une quarantaine de jours (24 jours pour naitre et 15 jours pour devenir mâtures) pour voir des mâles mâtures fin avril/début mai.
Un beau cadre à mâle pondu, avec des alvéoles bien bombées, dans une colonie forte au mois de mars
Comment mettre en place une bonne fécondation dirigée
Plusieurs conditions sont favorables pour que vous mettiez en place une bonne fécondation dirigée.
1. Elevez plus de mâles que nécessaire.
Un cadre peut donner naissance à 2000 mâles environ.
C’est théoriquement assez pour féconder 100 reines.
Mais c’est souvent insuffisant pour saturer le rucher s’il est imparfaitement isolé, d’autant plus que les guêpiers (une espèce d’oiseau qui mange des insectes volants) font une grande consommation des mâles.
Pour avoir assez de mâle, un chiffre qui revient souvent est de 5 ruches à mâle pour 100 reines.
2. N’utilisez pas de produits chimiques dans vos colonies.
Les produits de synthèse accaricides (amitraze avec l’apivar, fluvalinate avec l’apistan ou coumaphos), peuvent se fixer dans les cires et affecter les glandes séminales des mâles et leur fertilité.
Traitez plutôt grâce à l’acide oxalique qui est un produit utilisé en agriculture biologique.
3. Utilisez vos plus belles colonies
Choisir une belle colonie bien populeuse vous permettra non seulement de produire davantage de mâle mais garantira un meilleur patrimoine génétique pour vos futures colonies.
4. Idéalement, ayez un rucher de fécondation isolé.
Certains éleveurs utilisent le relief, une île ou une vallée isolée pour contrôler au maximum leur génétique.
Mais cette condition n’est pas forcément requise pour avoir un contrôle efficace.
Conclusion
La fécondation dirigée est une technique apicole avancée.
Elle est avant tout destinée aux apiculteurs qui souhaitent faire plusieurs dizaines de reines ou essaims chaque année.
Si vous n’avez que quelques ruches, inutile de vous embêter avec ce genre de technique.
Mais l’apiculteur, et encore plus l’éleveur, passionnés par nature, pourront essayer d’améliorer leurs reines en mettant en place un petit rucher de fécondation saturé par leurs propres mâles.